Condamnation et emprisonnement

Condamnation et emprisonnement

Une perquisition est faite à son domicile, au n°1 de la rue de Provence à Epinal, le 31 octobre 1941. Le commissaire de police et les deux inspecteurs ont saisi des documents apparentés à de la propagande communiste dont un dessin caricatural représentant « l’Ecole selon le Maréchal Pétain » et des articles de L’Echo de Nancy concernant des activités communistes. 

Dans son dossier judiciaire il est indiqué dans le procès-verbal, dressé par le commissaire de police le 31 octobre 1941 à 18h20 :

« Sympathisante du Parti communiste la susnommée s’est fait inscrire dans ce parti en 1935 et est restée membre jusqu’à sa dissolution. Pendant les dernières années avant 1939, elle a joué, avec une militante communiste, la demoiselle GOURIOU, professeur d’histoire et de géographie au même collège de jeunes filles, un rôle politique assez important. C’était la dame GARCIN qui apportait l’Humanité au Collège, tandis que la demoiselle GOURIOU recevait dans l’établissement force brochures et périodiques, soit de MOSCOU, soit de l’ambassade de l’U.R.S.S. à PARIS. La demoiselle GOURIOU ayant pris sa retraite a quitté Epinal tandis que la dame GARCIN, trompant la bonne foi de ses supérieurs hiérarchiques continuait à enseigner. De nombreux parents d’élèves déclarent que l’enseignement de la dame GARCIN était de tout temps très médiocre et que les enfants ne faisaient aucun progrès dans ses cours. La dame GARCIN s’était livrée avant septembre 1939, à une propagande communiste non déguisée tant à l’intérieur de l’établissement scolaire où elle enseignait qu’au sein d’oeuvres où elle s’était introduite où dans les milieux qu’elle fréquentait. Elle se complaisait de faire dessiner à ses élèves un « Poing levé ». Depuis la dissolution du Parti communiste la dame GARCIN a fait à son chef hiérarchique une déclaration solennelle de renonciation aux doctrines de son parti. Il n’a pas été établi par la présente enquête que la dame GARCIN ait eu des rapports avec les dirigeants occultes de ce parti occulte. Par contre, il ressort nettement des dépositions enregistrées par P.V., d’après d’autres renseignements obtenus il ressort que, même en classe, la dame GARCIN par des propos défaitistes a pratiqué une certaine propagande communiste camouflée. (…)

De l’ensemble de ces faits, il ressort que :

  • 1) La dame GARCIN née MAYADE, Anne, avait été avant 1939, une fervente communiste, jouissant d’une certaine influence politique.
  • 2) Qu’elle a continué à faire une propagande insidieuse communiste, défaitiste et antifrançaise !
  • 3) Qu’elle a conservé à son domicile une certaine documentation communiste ayant servi ou pouvant servir à une propagande communiste ;
  • 4) Qu’elle a ouvertement acquiescé et exécuté dans l’exercice de ses fonctions de pédagogue dans un établissement scolaire secondaire un mouvement tendant à exécuter une consigne ordonnée par une radio étrangère, exerçant ainsi une influence néfaste sur les jeunes élèves qui lui sont confiées, ce qui a d’ailleurs soulevé une vague de protestation des parents d’élèves. 

Le 1er novembre 1941, 16 élèves de la classe de première d’Anna ont été auditionnées par le commissaire de police spéciale au sujet de la manifestation de la veille. 

Le 3 novembre 1941, ce sont 7 témoins supplémentaires qui sont entendus par la police : professeurs et directrice du collège, concierge, amis. Une professeure d’anglais retraitée déclare qu’Anna est amie avec Mlle Gourioux, militante communiste et professeure d’histoire et géographie au collège de jeunes filles. Elle déclare également qu’Anna s’est mariée en 1936 avec M. Garcin « que je n’ai jamais vu, lequel habitait Mézières-Charleville et aurait été également un dirigeant du parti communiste« . Elle indique également dans sa déclaration que la directrice du collège était du même bord politique, comme d’autres professeurs. Elle est entendue par la police alors qu’elle ne travaille plus au collège depuis 1939. 

Le 5 novembre 1941, l’enquête se poursuit avec l’audition de deux élèves de la classe de 4ème d’Anna au sujet des réquisitions. Elle est alors inculpée d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes et à la loi du 14 août 1941 réprimant l’activité communiste ou anarchiste, à l’âge de 44 ans. 

Anna est enfermée dans la maison d’arrêt d’Epinal le 3 novembre 1941 à 18h50. Le 26 novembre 1941 elle est condamnée par le tribunal militaire allemand d’Epinal à 18 mois d’emprisonnement, pour manifestation anti-allemande en date du 31 octobre 1941 (1 an et demi de prison, du 1er décembre 1941 au 31 mai 1943). 

Le dossier de la procédure instruite contre Anna Garcin-Mayade est renvoyé par ordonnance du 9 janvier 1942 devant la section spéciale de la cour d’appel de Nancy, pour menées communistes. L’audience, avec comparution en personne d’Anna, a eu lieu le 17 janvier 1942, le jour de son 45ème anniversaire, à 10 heures au palais de justice, place de la Carrière, de Nancy qui la condamne à une peine d’emprisonnement de 5 ans. Anna est transférée de prison en prison du 31 octobre 1941 au 30 avril 1944 : la maison d’arrêt d’Epinal, celle de Troyes (le transfert a eu lieu le 3 mars 1942  d’Epinal vers la maison du Haut Clos, quartier allemand), de Châlons-sur-Marne, et pour finir celle de Laon. Lorsqu’elle termine sa peine de prison allemande, elle est détenue comme prisonnière française de droit commun (actions communistes) jusqu’au 1er mai 1944 où elle est livrée aux Allemands.

Dossier de procédure judiciaire d'Anna Garcin-Mayade - Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, 1447W4