La vie de peintre à Montmartre

La vie de peintre à Montmartre

Anna Mayade évolue dans le milieu artistique de Montmartre entre 1915 et 1928, pendant la Grande Guerre, puis dans les « Années folles » d’après-guerre. 

« Deux points de Paris furent les foyers d’où rayonnèrent toutes les énergies. Montmartre et Montparnasse sont les berceaux de la jeune peinture » écrit le critique d’art André Warnod en 1925. A Montmartre, c’est l’émulation artistique parfaite pour Anna : dès la fin du XIXe siècle, les artistes affluent dans ce quartier, tout comme une économie de l’art : installation des marchands de couleurs et de toiles, marchés aux modèles, marchands et galeristes qui s’installent partout, comme les Depaquit chez qui elle vit en arrivant dans le quartier. Anna est également au coeur de la vie artistique montmartroise car la maison où elle vit au 30, rue Saint-Vincent, est située à côté du cabaret du Lapin Agile. Cet endroit, tenu par Frédéric Gérard est un haut lieu d’échanges et de rencontres artistiques : le cabaret mêle artistes, poètes, écrivains, « canailles » en tout genre. 

Pendant ses années de vie à Montmartre, Anna côtoie de nombreux artistes : Maurice Utrillo (1883-1955), Suzanne Valadon (1865-1938), Auguste Renoir (1841-1919), Amedeo Modigliani (1884-1920), Aristide Bruant (1851-1925), Francisque Poulbot (1879-1946), Marguerite Jeanne Carpentier (1886-1965)

 

Pendant cette période, Anna s’épanouit dans sa vie d’artiste et réalise plusieurs oeuvres inspirées des ambiances connues à Montmartre dans les lieux de la vie artistique qu’elle fréquente avec ses amis peintres. 

Anna Mayade, Montmartre, Huile sur toile, 45 cm x 54 cm, Coll. particulière Florence Breysse.

Elle réalise notamment cette oeuvre représentant une vue iconique de Montmartre, la rue de l’Abreuvoir, menant vers la Maison Rose, où vivait Aristide Bruant. Au loin, se dessine le Sacré Coeur. Cette oeuvre « de jeunesse » est signée : « A. MAYADE ». 

Anna Mayade, Scène de cirque, Huile sur toile, 38,2 cm x 61,2 cm, Coll. musée Michelet, n° inv. : 2016.1.1.

Cette oeuvre a été acquise par le musée Michelet en 2016, pour enrichir la collection des oeuvres d’Anna Garcin-Mayade. Il s’agit également d’une oeuvre de jeunesse, signée « A. MAYADE ». 

Marika Maymard, historienne des arts du cirque, a étudié la scène représentée : « un artiste qui s’adresse au public depuis un tréteau de parade foraine, sans doute pour faire le boniment. Derrière lui se distingue très clairement une baisse ou « contrôle » où trône un personnage très important dans l’univers de la fête foraine : la caissière. Un homme se penche vers elle. Il doit s’agir du patron de la baraque foraine qui ouvre certainement, à l’arrière, sur la piste d’un cirque forain ou au moins un espace recouvert d’un tapis qui délimite l’espace de la représentation. Sur la foire, se renouvelle toutes les heures, devant chaque « baraque », la parade, une véritable institution qui, pour attirer l’attention des visiteurs qui passent et les retenir pour qu’ils prennent une entrée, déploient tous ses efforts pour faire du bruit. l’autrice du tableau a fait figurer ainsi les personnages principaux de la parade : « l’aboyeur » ou « bonimenteur » au milieu, devant le « pitre » à droite, et une acrobate qui danse et fait des souplesses, à gauche« . 

Le lieu exact de la scène représentée n’a pas pu être identifié. Mais plusieurs cirques étaient présents à Montmartre à cette période, notamment le cirque Medrano où Suzanne Valadon était trapéziste à la Belle Epoque. Anna a sans doute été inspirée par ces lieux de la vie artistique montmartroise. 

Pendant cette période, Anna réalise aussi des dessins au fusain et des sanguines représentant des scènes de la vie quotidienne, de personnes au travail : des femmes reprisant des vêtements, des lingères repassant du linge, des hommes avec leurs tabliers au travail. 

 

Anna Mayade, Dessin femme à l’enfant, Sanguine, Coll. collège Anna Garcin-Mayade de Pontgibaud.

Ce dessin fait parti d’un ensemble de 12 dessins réalisés à la sanguine, conservés par le collège Anna Garcin-Mayade de Pontgibaud, représentant des scènes de la vie quotidienne de personnes au travail. A noter que celui-ci est particulièrement intéressant car il est signé par l’artiste : « Anna Mayade » et porte la mention de la date de sa réalisation « Nov. 1916 ». 

Certains artistes ont particulièrement inspirés Anna. Son peintre préféré est Rembrand (1606-1669), et elle aime particulièrement « le peintre des chats » Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923) qui est l’auteur de la mythique affiche du Chat Noir. 

Elle s’est également liée d’amitié avec Maurice Utrillo (1883-1955) avec qui elle peignait à Montmartre. Anna raconte, dans une interview du 4 mai 1976, que Suzanne Valadon voulait même la marier à son fils !

Anna aime également beaucoup la peintre allemande Käthe Kollwitz (1867-1945) qui réalise de nombreux dessins sur les conditions sociales des prolétaires. Avec l’arrivée des nazis au pouvoir en 1933, il lui est interdit d’exposer son travail, bien qu’une partie de ses toiles ait été utilisée par les nazis à des fins de propagande. Le couple Kollwitz est menacé de déportation mais leur notoriété les protège.

Nous savons également, à l’inverse, qu’elle n’aimait pas le peintre Pablo Picasso (1881-1973). Une fois enseignante de dessin, lorsqu’elle traitait une élève de « Picasso de la classe », ce n’était pas un compliment, loin de là !

"Toutes les fois que je pense à Montmartre, je suis dans la joie ! La vie des peintres, la vie de bohème c'est la vie de famille. Nous étions comme des frères et soeurs on peut dire : ce qui manquait à un l'autre le donnait, et ainsi de suite, c'était la communauté en plein."
Anna Garcin-Mayade (4 mai 1976)